Ce remarquable ouvrage comporte plus de 90 cartes et infographies pour comprendre les liens entre les sociétés et leur environnement, analyser les politiques de protection et leur application dans des contextes culturels différents à travers le monde. C’est un véritable tour du monde en cartes, totalement inédit, présentant les enjeux, les difficultés et les limites des dispositifs de préservation de l’environnement. C’est aussi une immersion totale dans l’univers de la protection, confronté à une nouvelle donne, source de tensions : intégrer les hommes. Enfin, c’est une description de la réalité des espaces protégés, qui, selon les auteurs, s’éloignent de leur mission de conservation initiale pour devenir des outils politiques et économiques.
Accessible, cet atlas propose une multitude d’exemples concrets, sur tous les continents, pour faire le point sur un sujet central des problématiques écologiques actuelles. Il est à mettre en regard durapport publié par l’Agence européenne de l’environnement sur l’état des espaces protégés européens. En ayant en main ces deux ouvrages le lecteur intéressé par l’histoire et la situation actuelle des espaces protégés, peut, comme le photographe, soit zoomer sur l’Europe, soit élargir son champ de vue au monde entier.
INTRODUCTION DE L’OUVRAGE
Le monde serait au bord du gouffre, les sociétés contem¬poraines prédatrices, la « nature  », en perdition, leur serait étrangère. Pourtant, l’inquiétude affichée expli¬quant peut-être l’intérêt, la prise en compte de l’envi¬ronnement a rarement été aussi élevée. En réalité, le monde n’a jamais été autant protégé qu’il ne l’est aujourd’hui.
Cette perception bivalente de la présence humaine, considérée comme une menace nécessitant en retour la protection, conduit au panorama actuel des espaces protégés que propose cet atlas. Il tente une lecture non linéaire des dynamiques de protection, montrant qu’el¬les émanent de processus socioculturels, échappant au déterminisme naturaliste selon lequel l’antienne de la destruction imposerait des réponses automatiques. En ce sens, cet atlas s’inscrit à l’encontre des discours sim¬plificateurs et néomalthusianistes : il revendique une démarche scientifique, dégagée des prises de parti et des positionnements idéologiques.
L’Atlas mondial des espaces protégés combine la syn¬thèse de travaux récents, intégrant les dernières re¬cherches françaises en géographie politique de l’envi¬ronnement, et des productions inédites sur des terrains peu étudiés jusqu’alors (Europe du Nord, Maroc, Nouvelle-Zélande, Antarctique). Il affiche une pluralité d’échelles (la vallée, l’espace naturel protégé, l’entité nationale, les dynamiques transfrontalières, le continent, et bien sà »r le monde) comme clé de lecture des processus de protection, en proposant notamment une analyse fine de leurs incidences locales.
Entre ces termes souvent utilisés comme synonymes, il convient de distinguer des gradients d’intensité de sauvegarde de la biodiversité et des paysages, et des disparités dans les objectifs. Aussi, la sanctuarisation consiste en une protection stricte des milieux, o๠toute présence humaine est généralement proscrite. La conservation, terme le plus utilisé par les Anglo-Saxons, s’est longtemps retranchée dans une vision fixiste ; aujourd’hui appliquée de manière plus dyna¬mique, elle laisserait cette composante rigoureuse à la préservation. Quant à la protection, elle représente à la fois le terme générique désignant les différentes modalités précédentes et une approche de l’environ¬nement intégrant de manière croissante les dynami-ques sociales.
Selon la définition de l’UICN, une « aire » protégée est un espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d’assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés » (Dudley, UICN, 2008). De manière plus précise, l’espace pro-tégé peut être qualifié d’étendue délimitée, socialement investie de valeurs, pouvant comporter plusieurs « zones » correspondant à un gradient de mise en valeur du territoire. Au sein de ces zones, les pouvoirs publics, des particuliers ou des associations prennent des mesures de protection (relatives au paysage, au patrimoine, à la faune et à la flore, dans leur globalité, ou autour d’une espèce en particulier), en s’appuyant sur des réglementations. L’espace devient alors admi¬nistré : il est en général géré par des États, des admi¬nistrations publiques, des collectivités territoriales, des associations ou des organismes dédiés. Pour autant, des groupes sociaux se sont approprié ce ter¬ritoire, le pratiquent et en disposent, ce qui peut se heurter à la « nécessité » politique de protection. A ce titre, l’espace protégé participe du maillage de l’amé-nagement d’un territoire.
Comment les espaces protégés, à l’origine essentiellement campés sur des missions de conservation, ont-ils progressivement évolué vers des logiques d’intégration et de participation des populations locales, certes très inégalement abouties en fonction des différents contextes socioculturels, politiques et économiques ? Assimilent-ils progressivement leur activité touristique, longtemps vue comme exclusivement prédatrice ?
A travers le kaléidoscope des espaces protégés, c’est une lecture du monde actuel et de ses inégalités qui est ici proposée. Il ne s’agit donc pas de considérer ces territoires comme des objets dénués de socialisation et sur lesquels les sociétés contemporaines exercent des « impacts ». Cet atlas cherche à analyser ces espaces protégés avant tout comme des composantes à part entière des sociétés qui les ont établis et modelés, leur ont donné sens. Ce faisant, ils s’incarnent dans des héritages (à forte valeur nationale), des volontés politiques nouvellement affichées sous la pression des ONG et des standards mondiaux, des croyances affirmées en leur caractère d’exemplarité.
Quelle est la place de ces territoires de protection dans les rapports humains et les représentations collectives ? Les cinq parties qui composent cet atlas entendent répondre à cette question. Un état des 1ieux des politiques mises en oeuvre permet cette immersion dans l’univers des espaces protégés, dans ses dimensions temporelles, civilisationnelles et spatiales. Ensuite, c’est la manière dont les sociétés ont assimilé et modifié la biodiversité pour en faire une « géodiversité » qui est abordée. Cela s’accompagne néanmoins de tensions, inhérentes à la symbolique des lieux et au vécu des communautés se déployant au sein des espaces protégés. Les parcs transfrontaliers, érigés en partie en « parcs de la paix », emblèmes d’une protection désormais en réseau, sont l’objet d’une étude approfondie. Enfin, l’atlas montre les difficultés d’équilibrer objectifs de protection et aménagement à des échelles diverses et dans des contextes très différents. C’est à ce tour d’horizon des sociétés au prisme de leur(s) nature(s), comprises à la fois comme naturalité et caractéristiques sociales, qu’invite cet atlas.
l’Atlas mondial des espaces protégés est publié chez Autrement.
LASLAZ L., dir., 2012, Atlas mondial des espaces protégés. Les sociétés face à la nature, Autrement, coll. « Atlas-Monde  », 96 pages.