Voici le regard d’un participant français.
Ce colloque organisé par l’Association pour l’Histoire de la Protection de la Nature et de l’Environnement s’est déroulé à Paris du 23 au 25 septembre 2010 et fut une réelle réussite tant par la qualité des communicants que par celle de l’organisation. L’essentiel des interventions s’est fait en français, un effort a été réalisé en ce sens par les intervenants anglais ou étatsuniens. D’autre part, il n’a pas réuni que des historiens, mais aussi des géographes, des politologues, un philosophe, des personnes œuvrant dans la haute administration ainsi que Jean-Marc Jancovici, un expert pour les questions énergie/climat, qui nous a proposé un tableau de l’histoire humaine vue sous l’angle de l’énergie.
Il est difficile de rendre compte de l’étendue des débats, d’autant plus que la tenue de deux sessions parallèles rendait impossible d’assister à toutes les discussions. Ce colloque s’est ouvert avec John Mc Neill et clôturé par Jean-Paul Deléage par une notion : l’anthropocène. Depuis 1820, quittant l’holocène, l’Humanité serait entrée dans cette nouvelle ère, car elle exerce un impact essentiel sur le plan biologique et géologique. De la philosophie, cette notion glisse peu à peu vers l’histoire.
Dans ce genre de débats avec une question comme celle d’une protection de la nature « à la française », il était aisé de tomber dans l’écueil du retard français par rapport à nos voisins Anglais et Allemands. Sur ce point, la communication de Jean-Paul Bozonnet (IEP Grenoble) a montré, entre 1982 et 2008, des attentes et des fluctuations identiques en matière d’environnement au niveau européen sans pour autant parvenir à l’expliquer. Ainsi la France ne serait pas tellement différente des autres nations.
Pourtant la France a manifesté de la lenteur dans la mise en place des parcs nationaux. Les ligues de protection des oiseaux comptent, avant 1914, des milliers d’adhérents en Allemagne et en Grande-Bretagne et quelques dizaines en France. La tentation serait alors grande de parler de retard. Or, il faudrait comparer ce qui est comparable. Jusqu’au début des années 60, le poids de la France rural était important contrairement à l’Allemagne et à la Grande-Bretagne et il l’est resté par la suite dans les représentations, que ce soit au travers d’un magazine comme « la France défigurée  » ou bien dans la publicité (« La mère Denis »). En d’autres termes, méfions-nous des comparaisons trop hà¢tives.
Par ailleurs, la France a exercé, parfois, un rôle moteur en matière de protection de la nature. Si l’idée d’un parc naturel prend pour modèle Yellowstone, un autre concept est lui clairement d’origine européenne, celui de « réserve intégrale  », qui fut appliquée dès les années 1920 dans les colonies notamment à Madagascar. En Italie, la mise en place d’une protection des sites et monuments naturels de caractère artistique s’est faite sur le modèle français de 1906. La loi sur l’eau de 1964 passe pour un modèle en Europe.
Les communications sur la place de la France au niveau européen ont montré un rôle moteur dans la mise en place d’une politique européenne de l’environnement, mais depuis la fin des années 70, elle est en retrait, que ce soit au travers de la mise en oeuvre de la directive « Oiseaux » en 1979, le dépérissement des forêts (essence sans plomb), la mise en place de Natura 2000. Sur ce plan, nous rentrons dans la problématique du déclin.
Alors quelle spécificité française ? Par rapport à nos voisins, nous partageons les mêmes objectifs en matière de protection de la nature, voire des politiques identiques, mais en France, le rôle de l’Etat reste central et celui des associations plus faibles.
Le débat a débordé sur l’histoire de l’environnement en France, qui commence à avoir une visibilité internationale. Sur ce point, Gréogory Quenet procède actuellement à un inventaire bibliographique des travaux dans ce champ historique. Il ne compte pas moins de 40 000 références entre 1898 et 2008. Cette richesse provient des savoirs locaux mais également d’une tradition de grands corps spécialisés (GREF, Mines, Ponts, etc.). En d’autres termes, nous disposons d’une base solide.
Pour conclure, retenons l’appel encourageant du directeur général de l’Aménagement, du Logement et de la Nature au ministère de l’Ecologie et du Développement Durable, M. Jean-Marc Michel, qui a ouvert le colloque : il est preneur des travaux universitaires en matière d’histoire de l’environnement et de la protection de la nature, de ce « défrichage du temps long  », mais il n’a pas parlé de crédits... (*)
(*) NDLR : notons, cependant, que le ministère a contribué au financement de l’organisation du colloque.