Sources : Archives nationales
En 1960, tandis que la construction de Courchevel et de Méribel est avancée et que la Société d’équipement de la Vallée des Belleville (Sodevab) est constituée en mars, la délimitation du futur parc national de la Vanoise est discutée et la loi relative à la création des parcs nationaux est adoptée le 22 juillet. Pour participer au concours d’aménagement de la vallée des Belleville, Alain Bechmann (1919-2017), architecte et historien, réunit une équipe pluridisciplinaire nommée Groupe d’études et de réalisation en montagne (Germ) et composée d’urbanistes, d’architectes, d’ingénieurs et d’agronomes dont Jacques Langlois, Pierre Molins, Jean Keilling et Pierre Poncet. Leur étude dépasse le seul objectif de rentabilité et met en avant la valorisation du sol, les potentialités naturelles et humaines, le plein emploi et la pleine utilisation en toutes saisons du site. Si la démarche originale du Germ, fondée sur le parcours du terrain à pied et son survol en avion, l’analyse des sols et de la géologie, l’étude des documents historiques et la consultation des habitants et des élus, ne permet pas au projet d’être finalement retenu, elle attire cependant l’attention d’Edgard Pisani (1918-2016), ministre de l’Agriculture et autorité tutélaire du parc national de la Vanoise créé le 6 juillet 1963.
En effet, c’est avec l’appui de ce ministre que l’Association pour les espaces naturels et les parcs nationaux (ASPEN) est née. Déclarée le 26 juin 1964 à la préfecture de la Seine, son but est de « concourir à donner à la nature sa place dans la civilisation contemporaine  ». Le 28 juin, la tenue d’une réunion constitutive à Jouy-en-Josas permet de fixer les objectifs de l’ASPEN : établir l’inventaire général à l’échelon régional ou départemental, du patrimoine naturel de la France ; mettre en ordre, moderniser et enrichir les textes législatifs visant à la protection de la nature ; introduire dans les projets d’aménagement du territoire une véritable étude des facteurs naturels à la base de tout plan ; introduire dans l’éducation et l’enseignement, à tous les niveaux, les notions essentielles concernant ces problèmes ; organiser des équipes de synthèse pour étudier des points particuliers, parfaire et développer la connaissance de ces questions ; informer par tous les moyens propres à frapper l’opinion et les responsables ; réunir, au cours de journées « Aménagement et Nature  » tous ceux qui sont concernés ou intéressés par ces problèmes, afin de faire le point des études faites, d’assurer la convergence des actions menées, d’établir un programme commun ; participer aux instances internationales s’intéressant à l’équilibre entre l’homme d’aujourd’hui et le milieu naturel.
Avec l’idée de fédérer tous ceux qui se préoccupent d’aménagement du territoire et de nature, l’ASPEN mène des actions multiples et variées pour favoriser l’information et la réflexion de tous, pour déterminer la compatibilité entre protection de la nature et aménagement, pour définir les mesures à prendre pour prévoir et optimiser les impacts sur le milieu et sur le corps social, et pour valoriser le cadre naturel et le patrimoine. Tout d’abord, l’ASPEN orchestre des journées d’études internationales (une dizaine entre 1965 et 1981) qui réunissent une centaine de participants autour d’un thème unique tel que : « Nature et aménagement  », « Zones cà´tières  », « Industries et paysage  ». En ce sens également, elle participe et co-organise des débats, tables rondes, colloques, expositions itinérantes, congrès et conférences, parmi lesquels les journées de Lurs (1966), la conférence internationale de Stockholm (« Une seule Terre  », 1972) et celle de Rio de Janeiro (« Environnement et développement  », 1992). Ensuite, l’association anime le « centre Aménagement et Nature  » qui mène des études et des enquêtes de caractère général ou de cas particuliers qui lui sont confiées par des organismes publics : mission interministérielle d’Aménagement de la Cà´te aquitaine (1966-1968), délégation à l’Aménagement du territoire et à l’action régionale (1968-1969), ministère des Affaires culturelles (1969), ministère de la Protection de la nature et de l’environnement (1971-1973), ministère de l’Agriculture et du développement rural (1970-1973), etc. Enfin, l’association édite Aménagement et nature : simple bulletin à partir de 1964 (trois numéros), la publication devient une revue thématique trimestrielle de 1966 jusqu’à la fin de sa parution en 2001. La majorité des contributeurs à la revue sont médecins, ingénieurs, urbanistes, architectes, paysagistes, responsables d’entreprises ou de bureaux d’études, agriculteurs, exploitants forestiers, enseignants, représentants de groupements professionnels, syndicalistes, naturalistes, responsables de collectivités locales, journalistes, chercheurs dans divers domaines, étudiants…
L’ASPEN, à la manière d’autres organisations dès les années 1950, participe par ses idées pionnières à la prise de conscience des enjeux écologiques au sein des instances dirigeantes et, plus largement, de la société. Pas assez ouverte aux gens de terrain et trop conciliante avec les bétonneurs pour les uns, pas assez favorable au progrès et trop repliée sur la préservation de la nature pour les autres, l’association a permis et favorisé la confrontation et la coopération d’une multiplicité d’acteurs intéressés à trouver un équilibre dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler le développement durable.