Jacques Blondel est né le 4 novembre 1936, à Dijon, de l’union entre André et Renée, née Miniscloux. Il grandit dans une famille catholique, de 9 enfants, dont il est le deuxième. Son grand-père, Maurice Blondel (1861-1949), philosophe chrétien, exerce sur lui une influence importante. Son père est professeur de droit, comme l’un de ses frères ; ses trois autres frères sont médecin, avocat et assureur. Deux de ses sœurs ont exercé une activité professionnelle, l’une comme infirmière, l’autre comme Conservateur du Musée Perrin de Puycousin (Arts et Traditions populaires) et du Musée d’Art Sacré de la ville de Dijon. Il insiste sur le caractère personnel de son goà »t pour la nature, suffisamment prononcé pour qu’il ait voulu en faire son métier dans une famille traditionnellement orientée vers les professions littéraires ou libérales.
Jacques Blondel souligne aussi la précocité de ce goà »t : il se souvient avoir été, enfant, le plus souvent possible dehors. Pendant la guerre, il arpente la nature bourguignonne, braconnant volontiers la truite avec l’un de ses frères et glanant de quoi agrémenter le repas familial. Très vite, son groupe d’amis et ses occupations tournent exclusivement autour de cette « passion  ». Il effectue toutes ses études à Dijon, d’abord dans l’établissement scolaire privé catholique Saint-François de Sales (école-collège) puis au lycée Carnot. Mais sa jeunesse reste marquée par sa rencontre, par relations croisées, avec Camille Ferry (1921-2007), médecin chirurgien passionné d’oiseaux. Le dimanche et certains soirs de semaine, il effectue des sorties ornithologiques avec celui qu’il désigne comme son « maître  ». Il déniche des œufs pour constituer une collection ; son intérêt pour les oiseaux et son goà »t de l’observation naturaliste grandissent. Le Centre d’Etudes Ornithologiques de Bourgogne (CEOB) est fondé en 1957, dans la longue tradition ornithologique de Dijon, de Paul Paris (1875-1938) à Henri Jouard (1896-1938) en passant par la naissance de la revue Alauda (1929).
Jacques Blondel participe au lancement de colloques annuels d’ornithologie, organisés entre Dijon, Lyon et la Suisse romande, o๠il entend parler de protection de la nature. À l’époque, lui-même est cependant plutôt animé par une soif de connaissance de la nature. Après son baccalauréat, obtenu en 1956, il se dirige vers la faculté des sciences de Dijon. Il y obtient une licence de sciences naturelles, appréciant un enseignement largement fondé sur des sorties naturalistes.
Après sa licence, il effectue son service militaire comme officier dans le sud algérien, tout près du Maroc. Il y passe 28 mois et mène sur ce terrain d’affrontement, en pleine guerre d’Algérie, des observations naturalistes dont il tire plusieurs articles publiés dans Alauda et La Terre et la Vie. À son retour, il termine son service militaire par une période de quatre mois à Blois, o๠il poursuit ses observations ornithologiques. Définitivement convaincu de vouloir faire de cet intérêt pour les oiseaux son métier, il tente le concours d’entrée au CNRS en 1963 et réussit à la première tentative. Tout au long de sa carrière, il défend l’idée qu’un bon scientifique doit aimer son objet d’étude et préfère l’expression de « modèle biologique  » à celle de « matériel biologique  » pour parler des oiseaux qu’il a constamment étudiés.
Cependant, aucun laboratoire du CNRS ne travaille alors spécifiquement sur les oiseaux. Par l’intermédiaire de François Bourlière (1913-1993) auprès de qui il a été introduit par Camille Ferry, il s’oriente vers la station biologique privée de la Tour du Valat en Camargue, créée par Luc Hoffmann en 1954. Il y commence en 1963 sa thèse d’État sous la direction de F. Bourlière sur les aspects écologiques et évolutifs des migrations d’oiseaux dans l’aire méditerranéenne, qu’il soutient six ans plus tard à l’Université de Dijon.
À la suite de sa thèse, il est nommé directeur d’un laboratoire nouvellement créé par le CNRS en Camargue, le Centre d’Écologie de Camargue, qu’il quitte au bout de quatre ans pour rejoindre l’institut de Botanique de Montpellier puis en 1981 le Centre d’études Phytosociologiques et écologiques de Montpellier, aujourd’hui devenu le Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive. Depuis son arrivée dans le Sud de la France, il réside en Arles avec sa femme Chantal, née Lacroix, qu’il épouse le 20 novembre 1960. De cette union, naît deux filles Sylvie en décembre 1962 et Annick en novembre 1964.
À Montpellier, il constitue une équipe de recherche sur les problématiques de biologie des populations d’oiseaux, à trois grandes échelles spatio-temporelles : celle de l’évolution sur le temps long des populations d’oiseaux sur toute l’aire méditerranéenne, celle de la dynamique des peuplements le long de gradients d’habitats (insulaire, continental), et celle des populations de mésanges.
En Camargue, il est plongé dans des milieux fortement sensibilisés à la protection de la nature. Il fait la connaissance d’un grand nombre de naturalistes adhérents de la Société Nationale de Protection de la Nature (SNPN) ou étrangers, venus visiter la réserve de Camargue, dont Robert Hainard (1906-1999), Michel-Hervé Julien (1927-1966), Luc Hoffmann, François Bourlière, Michel Brosselin (1936-1980) ou encore Paul Géroudet (1917-2006). Il assiste à des événements d’importance pour la protection de la nature et de l’environnement, notamment le congrès MAR, sur les zones humides, qui se tient à son arrivée en Camargue. Il adhère à la SNPN en 1970, puis entre dans son conseil d’administration. Cependant, il décline la proposition que lui fait le président de la SNPN, François Hà¼e (1905-1972), de diriger la réserve de Camargue. Il estime en effet, à ce moment-là , qu’un investissement important dans les activités de protection est incompatible avec le travail de recherche de haut niveau, auquel il entend se consacrer prioritairement. Il perçoit son engagement en faveur de la protection de la nature comme une démarche personnelle, menée « le samedi et le dimanche  » , à côté de son métier de chercheur au CNRS et s’efforce de bien séparer les deux activités. Il participe néanmoins au programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement PIREN lancé par le CNRS en 1989.
Ses deux itinéraires, de chercheur et de protecteur de la nature, restent ainsi longtemps parallèles, même s’il leur arrive de se recouper, lors d’interventions en tant que chercheur dans des parcs nationaux et des réserves de biosphère, notamment en Corse et dans les Cévennes. Ses nombreux articles scientifiques ne concernent que très marginalement la biologie de la conservation.
Progressivement, cependant, il constate la diminution des populations d’oiseaux et la dégradation des écosystèmes, par exemple lors de visites aux ruisseaux de son enfance, dont il observe que la vie a largement disparu. La conférence de Rio en 1992 est pour lui un tournant. Lorsqu’un Institut Français de la Biodiversité est fondé en 2000, il est nommé président de la commission scientifique, fonction qu’il occupe jusqu’en 2004.
Jacques Blondel a ainsi réussi à être reconnu tant comme un chercheur éminent au plan international dans ses domaines d’étude que comme une personnalité incontournable dans la communauté des naturalistes engagés dans la conservation de la nature. Il participe désormais aux colloques de biologie de la conservation, comme ceux du “Réveil du Dodo†et il est membre du Conseil Scientifique du Patrimoine Naturel et de la Biodiversité (CSPNB), depuis sa création en 2004. Dans les années 2000, il se rapproche de plus en plus de l’interface entre recherche et conservation. La montée de l’expertise dans le champ académique et l’inscription de la biodiversité à l’agenda scientifique et politique international puis national ont favorisé la reconnaissance institutionnelle de la possibilité d’articuler les deux activités. La biologie de la conservation est devenue une spécialité reconnue, incluse dans les grands programmes actuels de recherche. Jacques Blondel est appelé à mener des missions d’expertise auprès de différentes instances.
Pour Jacques Blondel, il s’agit aujourd’hui de « développer une culture partagée entre les sciences de la nature et les sciences de l’homme  ». Il s’intéresse fortement à la philosophie et à l’éthique de l’environnement, prônant un « Millenium Cultural Assessment » à la suite du « Millenium Ecosystem Assessment ». La transformation de la société passe selon lui par une démarche ascendante, le but étant de convaincre « la base  » de la nécessité de protéger l’environnement. Il croit en une transmission du savoir à tous les échelons, des enfants aux parents, des parents aux politiques. C’est dans cette optique qu’il multiplie les conférences et les enseignements à des publics élargis et éloignés les uns des autres : des écoles, universités et associations aux instances scientifiques et politiques en passant par le réseau « Volubilis » ou encore les assemblées religieuses. Jacques Blondel est en effet fortement investi dans les mouvements chrétiens, interrogeant le rapport entre foi et protection de la nature, essayant de sensibiliser les prêtres et les évêques à ces problématiques.
Jacques Blondel a toujours été en contact permanent avec la nature, comme pêcheur amateur, comme adepte de l’alpinisme et de la randonnée, qu’il pratique depuis sa résidence secondaire à Samoà« ns, en Haute-Savoie, comme guide de sorties naturalistes en Provence et, bien sà »r, comme écologue spécialiste des oiseaux.
Sources :
Sources orales :
– Entretien de Jacques Blondel réalisé par Victor Pereira le 21 mars 2011 au CEFE de Montpellier (CNRS).
– Entretien téléphonique de Jacques Blondel réalisé par Isabelle MAUZ le mercredi 25 novembre 2009.
Sources personnelles :
– BLONDEL J., - Discours de réception au titre de Docteur Honoris Causa de l’Université Catholique de Louvain, prononcé le 23 avril 2004.
Ouvrages consultés :
– Atlas des oiseaux nicheurs d’Aquitaine 1974-1984 : œuvre collective des ornithologues aquitains, Coord. Boutet Jean-Yves ; réd. Petit Pierre ; préface de Blondel Jacques, Bordeaux : Centre régional ornithologique Aquitaine Pyrénées, 1987.
– BLONDEL J., Isenmann Paul. – Guide des oiseaux de Camargue, Neuchà¢tel ; Paris : Delachaux et Niestlé, 1981.
– BLONDEL J,. – Biogéographie et écologie : synthèse sur la structure, la dynamique et l’évolution des peuplements de Vertébrés terrestres, Paris ; New-York ; Barcelone : Masson, 1979.
– BLONDEL J., – F. Bourlière : François Bourlière : 21 décembre 1913, 10 novembre 1993, Aix-en-Provence : Adéquation, 1994.
– BLONDEL J., – « L’analyse des peuplements d’oiseaux, éléments d’un diagnostic écologique », in La Terre et la vie, vol. 29, no 4, Paris : Société Nationale de Protection de la Nature et d’acclimatation de France, 1975.
Articles consultés :
– BLONDEL J., – De l’utopie écologiste au Développement durable. Etudes 3994, Octobre 2003, 327-337.
Documents consultés en ligne :
– Biennale Biodiversité et territoires, séminaire préparatoire 27/11/2009, Avignon DDEA de Vaucluse, Compte-rendu, Réseau Volubilis.
– BLONDEL J., « La biodiversité sur la flèche du temps, chronique d’un déclin continu  » in Conférence internationale « Biodiversité, science et gouvernance  », Paris, Unesco, 24-28 janvier 2005 suivi du commentaire par Yves Gillon et du compte rendu des débats. Publié dans Natures Sciences Sociétés 13, 296-301 (2005).
– BLONDEL J., « La biodiversité est le tissu de la vie  », Bulletin diocésain d’Aix et d’Arles n°33. Juin 2010.
– Diaporama présenté par Jacques Blondel dans le mouvement catholique « Environnement et modes de vie » le 5 juin 2010.
– Introduction à l’écologie par Jacques Blondel.
– La biodiversité à travers des exemples, CSPNB.
– Point de vue de Jacques Blondel : Qu’est-ce que la biodiversité ?
– Textes de Jacques Blondel :
Biologie évolutive. Sous la direction de : Frédéric Thomas, Thierry Lefèvre & Michel Raymond. Édition 2010. 830 pages. De Boeck.
Biodiversité et foie chrétienne.